Les conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles

Les conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles

Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 s’impose comme une étape cruciale pour le développement de l’agrivoltaïsme en France. Ce décret précise les conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers, en alignement avec l’article 54 de la loi APER

L’agrivoltaïsme, c’est quoi ?

L’agrivoltaïsme consiste à installer des panneaux solaires sur des terrains agricoles tout en maintenant une production agricole significative. Une installation agrivoltaïque est nécessairement une installation de production d’électricité à partir d’énergie solaire. Les autres productions d’énergie n’entrent pas dans le champ de cette définition. Les modules photovoltaïques de cette installation doivent être « situés » sur une « parcelle agricole ». Ils doivent par ailleurs « contribuer durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».

 

Certaines installations ne peuvent être considérées comme agrivoltaïques, notamment si elles portent une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés ci-dessous, si elles ne permettent pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole (article L.314-36 IV du code de l’énergie) ou encore si elles ne sont pas destinées à être réversibles (article L.314-36 IV du code de l’énergie).

Agrivoltaïsme et services rendus à la parcelle

Les installations doivent apporter des bénéfices agronomiques sans nuire à l’activité agricole principale.

Pour qu’une installation soit considérée comme agrivoltaïque, elle doit rendre directement à la parcelle agricole, au moins l’un des services suivants (article L.314-36 du Code de l’énergie) :

  • l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques : c’est-à-dire l’augmentation de la productivité des cultures et de la qualité des sols ;
  • l’adaptation au changement climatique grâce à la mise en place de solutions pour améliorer la résilience des cultures face aux variations du climat (sécheresse, fortes pluies, etc.) ;
  • la protection contre les aléas climatiques en protégeant les cultures contre des risques tels que la grêle, le gel, et autres intempéries ;
  • l’amélioration du bien-être animal qui s’apprécie au regard de l’amélioration du confort thermique des animaux.

Cela est démontrable par l’observation d’une diminution des températures dans les espaces accessibles aux animaux à l’abri des modules photovoltaïques et par l’apport de services ou de structures améliorant les conditions de vie des animaux.

Quelles sont les conditions à remplir ?

#1 – Être un agriculteur actif

Le bénéficiaire de l’installation doit être un agriculteur en activité.

Pour l’application de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, est considérée comme agriculteur actif toute personne physique ou morale qui répond aux conditions de l’article D. 614-1 du Code rural et de la pêche maritime. En cas de changement d’exploitant agricole, la durée pendant laquelle l’exploitation de l’installation d’agrivoltaïsme se poursuit sans agriculteur actif ne peut excéder dix-huit mois.

#2 – Maintenir une production agricole significative

Pour toute installation agrivoltaïque hors élevage, la production agricole doit rester significative et ne pas être minorée par la présence des panneaux solaires.

La production agricole est considérée comme significative si la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle agrivoltaïque est supérieure à 90 % de la moyenne du rendement par hectare observé sur une zone témoin ou un référentiel équivalent. Des proportions moins importantes peuvent être acceptées par le Préfet, sur demande, dans des cas exceptionnels (événements imprévisibles, amélioration significative et démontrée de la qualité de production par exemple).

#3 – Générer un revenu durable 

L’installation doit garantir un revenu issu de la production agricole stable et durable pour l’exploitant agricole.
  • Pour les agriculteurs déjà actifs, le revenu durable est déterminé en comparant la moyenne des revenus agricoles avant et après l’implantation de l’installation agrivoltaïque. Il est considéré comme durable si la moyenne des revenus issus de la vente des productions végétales et animales après l’installation n’est pas inférieure à celle des revenus avant l’installation. Cette comparaison doit tenir compte de l’évolution de la situation économique générale et de celle de l’exploitation agricole. Une diminution plus importante des revenus peut être acceptée par le Préfet, à condition qu’elle soit justifiée par des événements imprévisibles et sur demande dûment justifiée.
  • Pour les nouveaux agriculteurs, le revenu est jugé durable en le comparant aux revenus observés dans d’autres exploitations agricoles du même type et situées dans la même région. Cette comparaison vise à s’assurer que le nouvel agriculteur génère un revenu comparable à celui des exploitations similaires localement.

#4 – Respecter la notion de parcelle agricole

Le décret précise les caractéristiques des parcelles agricoles concernées.

Il s’agit d’un périmètre présentant les mêmes caractéristiques agricoles, supportant un projet agrivoltaïque et délimité par les limites physiques de l’installation photovoltaïque. Cette parcelle peut avoir une superficie différente de celle définie par le cadastre ou les conditions de l’article D. 614-32 du Code rural et de la pêche maritime.

#5 – Créer une zone témoin

Une zone témoin doit être maintenue pour comparer l’impact des installations sur la production agricole.

Elle doit représenter au moins 5 % de la surface agrivoltaïque installée, dans la limite d’un hectare. Elle doit être située à proximité de l’installation agrivoltaïque et ne comporter ni installation photovoltaïque ni arbres apportant de l’ombre. Elle doit avoir des conditions pédoclimatiques (conditions de température, d’humidité et d’aération du sol cultivé) équivalentes et être cultivée dans les mêmes conditions que la parcelle agrivoltaïque.

Des dérogations à cette obligation de zone témoin sont possibles, notamment si le taux de couverture de l’installation photovoltaïque est inférieur à 40% et que l’exploitant justifie être dans l’incapacité technique de créer cette zone témoin, ou si une autre installation agrivoltaïque avec zone témoin existe déjà localement, avec des conditions pédoclimatiques équivalentes. Une liste de « technologies éprouvées » sera prochainement publiée par arrêté des ministres chargés de l’énergie et l’agriculture. Des dérogations seront également possibles si l’installation utilise l’une de ces technologies.

#6 – La production agricole reste l’activité principale 

Pour garantir que la production agricole reste l’activité principale sur une parcelle équipée d’une installation agrivoltaïque, il faut que deux conditions soient réunies :

  • la superficie rendue non exploitable par l’installation agrivoltaïque doit être inférieure à 10 % de la superficie totale couverte ;
  • les caractéristiques de l’installation (hauteur, espacement entre rangées) doivent permettre une exploitation agricole normale, incluant la circulation des machines agricoles et la sécurité des animaux.

Pour les installations de grande envergure (plus de 10 MW crête) ne faisant pas partie de la liste des technologies éprouvées, la couverture ne doit pas dépasser 40 %. Concernant les technologies éprouvées, l’arrêté ministériel déterminera le taux de couverture par technologie.

 

 

Le taux de couverture se défini comme le rapport entre deux surfaces spécifiques :

  • – la surface maximale projetée au sol des modules photovoltaïques ; 
  • – la surface de la parcelle agricole.

#7 – Prévoir la réversibilité des installations

Les installations photovoltaïques sont autorisées pour une durée maximale de quarante ans.

Une demande de prolongation pour 10 ans supplémentaires peut être faite si les panneaux présentent encore un rendement significatif. À l’issue de cette exploitation, les installations doivent pouvoir être démantelées et le terrain remis en état. Les travaux de démantèlement et de remise en état du site doivent faire l’objet d’un rapport, rédigé par un organisme ou un expert foncier agricole (article R. 314-120 du code de l’Énergie). Sans entrer dans les détails, un certain nombre de conditions devront être respectées, notamment celle d’attester du maintien des qualités agronomiques de la terre.

 

En cas de non-respect des conditions de démantèlement ou de remise en état, ou en absence de transmission du rapport, l’autorité compétente pourra mettre en demeure la personne responsable. Si la mise en demeure n’est pas respectée, l’autorité compétente pourra effectuer les travaux nécessaires d’office et utiliser les garanties financières prévues pour couvrir les coûts.

CDPENAF : assurer le respect des conditions

La Commission Départementale de la Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF) a pour mission de donner un avis sur les projets d’implantation de panneaux photovoltaïques afin de s’assurer qu’ils respectent les conditions énumérées ci-dessus. Elle peut également être consultée sur toute question relative à la réduction des surfaces naturelles, forestières et agricoles, ou sur tout projet ou document d’aménagement ou d’urbanisme.

Les demandes d’autorisations d’urbanisme pour les installations agrivoltaïques seront à envoyer au préfet et devront comporter :

  • la description physique de la parcelle conformément à l’article R. 314-108 du code de l’énergie.
  • la note technique démontrant que l’installation répond au moins à l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II de l’article L. 314-36 du code de l’énergie (articles R. 314-110 à R. 314-113) et décris plus haut ; 
  • une note technique prouvant que la production agricole est l’activité principale de la parcelle agricole ;
  • une note technique permettant d’apprécier que la production agricole est significative et qu’elle assure des revenus durables à l’exploitant agricole ;
  • une description de la zone témoin le cas échéant ;
  • l’attestation certifiant que l’agriculteur est actif (article R. 314-109 du code de l’énergie) ;
  • la description de l’état initial (pour déclaration préalable) du terrain et de ses abords, y compris constructions, végétation et éléments paysagers existants.

Le décret prévoit des mécanismes de contrôle pour s’assurer que les installations respectent les conditions fixées. Des sanctions peuvent être appliquées en cas de non-respect des règles.

Quels sont les mécanismes de contrôle et les sanctions encourues ? 

Les installations agrivoltaïques doivent subir un contrôle avant la mise en service et un contrôle de suivi périodique. La fréquence du contrôle dépend du type d’installation, allant de tous les ans pour les installations non éprouvées à tous les cinq ans pour celles mentionnées dans un arrêté ministériel. Les rapports doivent être établis par des organismes agréés, dont le contenu et les conditions seront définis par arrêté ministériel. Les rapports doivent être transmis aux autorités compétentes et à l’ADEME. De plus, l’exploitant doit fournir annuellement des informations sur la production énergétique et agricole de la parcelle à l’ADEME.

 

Les installations agrivoltaïques doivent respecter strictement les obligations de transmission des rapports et les dispositions spécifiques définies par la section 6 du code de l’énergie. En cas de non-conformité, des sanctions pécuniaires peuvent être appliquées et l’autorisation d’exploiter peut être suspendue ou retirée. De plus, des garanties financières doivent être constituées pour assurer le démantèlement et la remise en état du site en cas de non-respect des obligations, lesquelles peuvent être mises en œuvre si les mises en demeure ne sont pas respectées.

Quelle date pour la mise en application du décret ? 

Le décret est applicable dès à présent, mais certains éléments manquent encore. Les futures réglementations et législations concernant l’agrivoltaïsme prévoient plusieurs mesures importantes pour encadrer le développement des installations photovoltaïques sur les terrains agricoles, naturels ou forestiers. Cela inclut, entre autres, des arrêtés pour définir les technologies agrivoltaïques éprouvées, ainsi que des dispositions spécifiques sur le statut du fermage et le partage des bénéfices entre les parties impliquées.

Le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 est une avancée majeure pour le développement de l’agrivoltaïsme en France. Il établit un cadre clair pour les installations photovoltaïques sur les terrains agricoles, en mettant l’accent sur la compatibilité avec l’activité agricole et la durabilité. Pour toute question ou pour explorer des solutions d’installations adaptées à vos besoins, n’hésitez pas à contacter KBE Energy.

Aller + loin : Le cadre légal 

L’article 54 de la loi APER, loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables, pose les bases législatives pour encourager l’intégration des installations photovoltaïques dans les activités agricoles. L’objectif est de développer les énergies renouvelables tout en protégeant les activités agricoles existantes.
Le Décret du 8 avril 2024 publié au Journal officiel précise les modalités d’application de l’article 54, notamment en définissant les conditions d’installation des panneaux solaires sur les terrains agricoles. Il s’appuie également sur le code de l’Urbanisme et le code de l’Énergie pour encadrer ces pratiques.